Retour sur le 3e séminaire général du Collegium Musicæ
La musique au croisement des disciplines : ancrage et avenir ?
Une centaine de chercheurs et chercheuses, doctorantes et doctorants, musiciennes et musiciens, représentantes et représentants de la présidence de Sorbonne Université, ainsi que de nombreux partenaires se sont réunis le lundi 14 novembre 2022 à l'Auditorium du CICSU (Campus Pierre et Marie Curie) pour le 3e séminaire général du Collegium Musicæ. L'objectif de cette journée était d'esquisser des perspectives d'évolution pour l'interdisciplinarité autour de la musique. Ce séminaire a été nourri du bilan des projets et activités (2019 -2022), d'interventions de jeunes chercheur et chercheuse dans le cadre du programme doctoral « Musiques et Sciences », d'enseignants-chercheurs, de personnalités du monde de la musique, et de travaux en ateliers.
Programme
Matin : bilan 2019-2022
- Insertion et inscription des activités du Collegium Musicæ dans les laboratoires de recherche de l'institut;
- Les axes-programmes de recherche du Collegium Musicæ : thématiques et projets emblématiques;
- Le programme doctoral « Musiques et Sciences » : témoignages d’une doctorante et d’un doctorant du Collegium Musicæ;
- Session de présentation de 30 posters (projets, colloques, thèses, écoles internationales d'été, etc.).
- Communication sur l'interdisciplinarité de Jean-Gabriel Ganascia (professeur d'informatique, philosophe, membre senior de l'Institut Universitaire de France).
Après-midi : élargissements et perspectives
- Présentation du Conseil d’Orientation Stratégique du Collegium Musicæ par Christophe Pirenne (Université de Liège);
- Les enjeux des relations du Collegium Musicæ avec le monde professionnel, par Séverine Morin (Directrice des études et de la prospective, Centre National de la Musique) et Gilles Demonet (IReMus) ;
- Groupes de réflexion autour de 5 thématiques : reconnaissance de la musique au sein de l'ASU, nouvelles thématiques de recherche, rayonnement de l'institut, formation à et par la recherche, nouveaux dispositifs.
Avec la participation d'Élisabeth Angel-Perez, vice-présidente Recherche et Innovation et Pierre-Marie Chauvin, vice-président Arts, Sciences, Culture et Société à Sorbonne Université.
Retour sur
L'« Essai très balbutiant de topologie de l’interdisciplinarité », communication de Jean-Gabriel Ganascia (Sorbonne Université, LIP6 – Équipe ACASA)
Après les retours sur les axes-programmes, les projets et le bilan général du Collegium Musicæ de 2019 à 2022, Jean-Gabriel Ganascia a proposé aux participantes et participants de la journée un Essai très balbutiant de topologie de l'interdisciplinarité.
En guise d'introduction a été présenté le propre parcours du chercheur marqué par une pratique régulière de l'interdisciplinarité. Physicien, acousticien, ingénieur et philosophe, Jean-Gabriel Ganascia tire de sa pratique les « leçons de l’expérience » – dont le temps long nécessaire à la recherche interdisciplinaire, son coût, les différences de langages entre les disciplines, etc. En découle une caractérisation topologique de l’interdisciplinarité, soit :
RAYMOND MOCH (1921-2010)Les découvertes se font aux marges des disciplines constituées !
Jean-Gabriel Ganascia analyse la recherche comme un double mouvement : centripète (marqué par l’évaluation par les pairs) et centrifuge (une incursion vers les autres disciplines). Les disciplines deviennent donc des lieux, des topos, qui par l’emploi de méthodes provenant d’autres champs disciplinaires, permettent l’émergence de nouvelles disciplines :
- en tant que création ex-nihilo, sur un objet particulier;
- au croisement de deux disciplines;
- par le décloisonnement des disciplines et l’établissement de ponts entre elles.
Cette création interdisciplinaire présente néanmoins certains risques tels que l’assèchement du cœur des disciplines, l’accroissement de l’entropie et l’évaluation par des micro-communautés spécialisées qui ne se ferait plus que par des interfaces microscopiques.
L’interdisciplinarité serait-elle donc un « lieu d’affrontement et d’expansion », une création d’interactions entre les disciplines au sein de laquelle elles se développent, mais se dépossèdent également de leur identité première ?
Les groupes de réflexion :
Après deux présentations – Conseil d'Orientation stratégique du Collegium Musicæ et Enjeux des relations avec le monde professionnel – l'après-midi du séminaire a été marqué par la tenue de cinq groupes de réflexion suivis de leur restitution, qui alimenteront les réflexions dans les mois à venir au sein des instances internes de l'institut :
1. Reconnaissance
Comment valoriser la musique au sein de l'Alliance Sorbonne Université ?
Modérateur : Antonio SOMMA, doctorant (Collegium Musicæ)
Plusieurs propositions ont été formulées par le groupe, notamment celle de poursuivre le développement du programme doctoral en proposant des formations valorisant l’interdisciplinarité. En complément, des modules introduisant une dimension interdisciplinaire pourraient être proposés dans les cursus de licence et de master. Le groupe propose également de travailler à la pérennisation des activités du Collegium Musicæ par la création de lieux dédiés à la recherche par l’obtention de nouveaux financements et de postes supplémentaires. Enfin, le groupe préconise une diffusion plus large de la recherche interdisciplinaire en musique au sein de l’Alliance Sorbonne Université, notamment grâce à la création de liens avec les musiciennes et musiciens amateurs.
2. Nouvelles thématiques de recherche
Au-delà de nos 5 axes-programmes, quelles seraient les nouvelles thématiques « Musiques et Sciences » à développer ?
Modérateur : Fabien GUILLOUX, ingénieur d’études (IReMus)
Ce groupe propose de développer plusieurs thématiques déjà abordées au Collegium Musicæ telles que l’interaction entre lieux et musique et la construction des savoirs musicaux. De nouvelles thématiques ont également été suggérées comme l'économie de la musique avec les nouvelles médiations, l'apprentissage et la professionnalisation, la sociologie de la musique, musique et monde vivant, musique et pratiques artistiques, les valeurs de la musique, et la sensibilisation à ces thématiques.
3. Rayonnement
Comment mieux valoriser nos travaux au-delà du monde académique ?
Modératrice : Claudia FRITZ, chercheuse (équipe LAM/∂’Alembert)
Afin de valoriser les travaux de l’institut au-delà du monde académique, les membres de ce groupe suggèrent de co-construire des événements avec le monde professionnel (festivals, concerts-conférences, atelier de formation et de recherche, journées d’étude, rencontres, …), et de développer le réseau du Collegium Musicæ. La création d'une offre de service, sous la forme de conseil à destination par exemple des collectivités territoriales, a également été proposée. Les interlocuteurs et interlocutrices de l’institut pourraient également se faire « passeur d’information » dans les médias (comme Wikipédia).
4. Nouveaux dispositifs
Quels formats et/ou dispositifs innovants peuvent concourir au développement de l'interdisciplinarité "Musiques et Sciences" ? »
Modérateur : Leo McFADDEN, doctorant (IReMus)
Quatre propositions ont été formulées. Le Collegium Musicæ pourrait tout d'abord devenir un pôle fédérateur en ouvrant ses appels à projet à des équipes spécialisées hors de l'Alliance au niveau national et international. Sur le plan méthodologique, un guide pratique pourrait être créé afin de découvrir les méthodes des autres disciplines et de s'y former. En ce qui concerne la mobilité, la programmation de missions scientifiques courtes et de formations en cotutelles internationales avec le réseau de l’institut pourraient être mises en place. Enfin, la création d'un bulletin de réflexion sur les recherches en cours a été suggéré, afin de contribuer à la diffusion de l'interdisciplinarité.
5. Formation à et par la recherche
Dans la perspective du prochain plan quadriennal et de l'accréditation des cursus, quels sujets issus des travaux du Collegium Musicæ pourraient être pris en compte dans les futures maquettes de formation ?
Modératrice : Elisa BARBESSI, post-doctorante (Collegium Musicæ)
En ce qui concerne le contenu des formations, il a été proposé que les travaux de recherche du Collegium Musicæ portant sur l'anatomie du corps du musicien et la prévention des risques, la création de savoirs, le fonctionnement de l'instrument de musique et la méthodologie interdisciplinaire soient pris en compte dans les futures maquettes de formation. Pour ce qui est des modalités de transmission des savoirs ont été suggérés : l'intégration de séminaires aux master existants, des modules de formation ponctuels des cours interdisciplinaires à destination des licences, masters, écoles d’arts, pôles supérieurs de musique et de facture instrumentale.
En réaction à ces restitutions et en conclusion du séminaire, la gouvernance de Sorbonne Université, représentée par Élisabeth Angel-Perez (vice-présidente Recherche et Innovation) et Pierre-Marie Chauvin (vice-président Arts, Sciences, Culture et Société), a mis en regard et en relation les projets et travaux menés au Collegium Musicæ et les orientations politiques de Sorbonne Université - notamment en ce qui concerne les instituts. La présidence conforte et renouvelle un soutien plein et entier au Collegium Musicae. La présidence de Sorbonne Université conforte et renouvelle un soutien plein et entier au Collegium Musicae.